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Hôtel Villeneuve Martignan selon Joseph Girard




La famille de Villeneuve-Martignan était originaire d'Orange et de Valréas. Il ne faut pas la confondre avec l'illustre famille provençale des Villeneuve aux ramifications nombreuses.

Elle était venue se fixer à Avignon au début du XVIIIe siècle. Le constructeur de l'hôtel fut le dernier représentant mâle de la famille, Joseph-Ignace de Villeneuve, comte du Saint-Empire romain, seigneur de Martignan, Coutelet et autres lieux, une fois viguier et trois fois premier consul d'Avignon, marié à Henriette-Victoire de Sade. Son architecte, Jean-Baptiste Franque (1683-1758), était alors à l'apogée de sa renommée ; il avait construit la plupart des édifices avignonnais du XVIIIe siècle et de nombreux monuments de la région, notamment l'évêché de Viviers, l'église Saint-Jacques à Tarascon et l'église Notre-Dame des Pommiers à Beaucaire. Dans les dernières années de sa vie, il était souvent assisté de son fils aîné, François II Franque, ancien pensionnaire de l'Académie de France à Rome, Architecte du Roi à Paris (1710- 1793). Aussi est-il de tradition que François Franque participa à la construction de l'hôtel de Villeneuve et que c'est à lui que serait dû le grand caractère de l'édifice. Le prix-fait en fut donné le 18 décembre 1741 au maître maçon François Lamy et c'est le 29 septembre 1753 que fut payé à Pierre Bondon, dit Bondon l'aîné, le solde de la sculpture. Il faut donc placer entre 1741 et 1753 la construction de l'hôtel.

C'était la plus vaste et la plus somptueuse des demeures aristocratiques d'Avignon. Elle était bâtie entre cour et jardin. Sur le vestibule monumental surmonté d'une de ces belles voûtes plates qui ont fait la renommée des Franque, s'ouvraient les pièces d'apparat, entre autres les salons en enfilade exposés au midi sur le jardin. En tête de ceux-ci était un « salon à l'italienne » embrassant deux étages, avec balcon à la hauteur du 1er ; à la suite, venaient trois autres salons, le « salon de compagnie », la « chambre lambrissée » et le « cabinet lambrissé ». Devant la façade, le jardin, « à la française », ne comportait pas d'arbres, mais des plâtes-bandes bordées de buis et garnies d'oeillets, avec bassin et jet d'eau au centre ; les arbres formaient un bosquet au fond du jardin, à la place occupée aujourd'hui par les constructions édifiées au XIXe siècle en bordure de la rue Bouquerie. Ignace de Villeneuve s'était mis dans une situation financière difficile en construisant sa magnifique demeure. Aussi fut-il obligé dès 1753,  de louer une partie du rez-de-chaussée. Sa fille et héritière Pauline de Villeneuve continua cette pratique et c'est à celle-ci qu'il faut attribuer la première des modifications que subit le plan primitif des Franque. En 1771, un nouveau locataire exigea la suppression du salon à l'italienne et sa division en deux pièces à chaque étage.


A la Révolution, l'hôtel de Villeneuve, saisi comme Bien National, ne fut pas vendu à cause de sa valeur trop élevée qui écartait les acquéreurs. Pauline mourut à Apt en 1791 ; elle eut pour héritier son mari Etienne-Joseph de Raousset-Soumabre. Celui-ci obtint la restitution de l'hôtel, en 1801, à son retour d'émigration. Mais il se hâta de le vendre, dès l'année suivante, au prix de 33.000 frs, à Joseph-Véran Deleutre, moulinier en soie d'Avignon, qui y installa son industrie et eut pour successeur son fils Joseph-Antoine-François Deleutre, associé à Jacques Mantel. Au cours de la crise économique qui suivit la Révolution de Juillet 1830, la maison Deleutre et Mantel fit faillite et c'est alors que l'hôtel de Villeneuve fut mis en vente. Répondant aux voeux des administrateurs du Musée, le maire Delorme se présenta aux enchères le 8 mars 1833 et en devint adjudicataire au prix de 85.860 frs. Aucun autre oblateur ne fit d'offre. « Nous n'attendions pas moins du patriotisme avignonnais », dit à ce propos le journal local "L'Echo de Vaucluse".


Extrait de l'Histoire du Musée Calvet - Joseph Girard - Conservateur honoraire du Musée Calvet et de la Bibliothèque d'Avignon